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Une saison dans la vie d’Emmanuel

3 janvier 2011

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une saison dans la vie d’Emmanuel

Roman de  Marie-Claire Blais

Emmanuel naît  » sans bruit un matin d’hiver « . Lorsqu’il ouvre les yeux sur ce qui l’entoure, sa mère est déjà partie aux champs. Quand elle reviendra, se souviendra-t-elle qu’elle l’a mis au monde le matin même ? Emmanuel pleure, seul avec sa grand-mère, personnage fort et bourru. Soudain il comprend :  » Il désirait respecter son silence ; il n’osait plus se plaindre car il lui semblait soudain avoir une longue habitude du froid, de la faim, et peut-être même du désespoir.  » Entre une grand-mère sèche, culpabilisante mais rassurante, une mère silencieuse et soumise, un père absent, et d’innombrables frères et sœurs, dont Héloïse, ancienne religieuse devenue fille de mauvaise vie, et le souvenir de Jean le Maigre, frère  » intelligent à vous faire peur  » qu’il n’a pas connu, Emmanuel va rapidement s’éveiller, découvrir la soif de liberté, la vie et son lot de petites joies et de grandes souffrances.
Marie-Claire Blais, dont l’originalité, les talents d’écrivain et la grande sensibilité ont été reconnus dès la parution de son premier livre (La Belle Bête, 1959), a reçu pour Une Saison dans la vie d’Emmanuel le prix Médicis 1976.

Quand je suis arrivée au Canada, j’ai voulu découvrir ce pays sous toutes ses coutures. Pour l’histoire, j’ai lu « L’histoire du Canada pour les nulles ». Pas très académique mais complet, accessible et pas trop long. Pour les arts graphiques, quelques séances au Musées des Beaux Arts. Pour le cinéma, le coffret des films de Denys Arcand, la Chute de l’empire américain et les Invasions barbares, et les Têtes-à-claques un peu aussi. Pour la littérature, j’ai commencé par Marie-Claire Blais. C’est ma deuxième chronique pour mon  défi de lecture canadienne.

J’ai adoré parce que c’est à la fois une belle œuvre de littérature mais aussi une plongée dans le Québec du début du XXe siècle. Une initiation à la civilisation québécoise : l’hiver, la vie à la campagne, les familles nombreuses, la domination de l’église. L’écriture est fine et subtile mais le récit  est pittoresque, rustique : comme si on y était.

Je l’ai dévoré, il faut dire que le livre ne fait que 165 pages. Malgré tous leurs vices, la crasse et la pauvreté, les personnages sont attachants.

La grand-mère Antoinette bourrue et méchante, pas si méchante en fait, plutôt endurcie par cette rude vie de labeur, de froid et de pauvreté. Je l’aime bien finalement, peut être parce qu’elle est directe et tient tête à son gendre, le maitre de maison. C’est mon côté féministe qui parle. Les fils indignes : Jean le Maigre, l’intellectuel, le poète de la famille mais tuberculeux qui finira sa courte vie au séminaire selon la volonté de Grand-mère Antoinette ; et le Septième – je ne me souviens avoir lu son nom dans le livre- le vicieux, le paresseux mais malin et plein de vie. Celui qui s’en sort le mieux dans l’histoire. Et enfin, la sœur Héloïse qui passe du statu de religieuse illuminée à celui de prostituée enthousiaste.

C’est certainement un peu cliché : la famille de paysans pauvres de fin fond du Québec, les fils voués au séminaire et à l’emprise des prêtres pédophiles, le travail à la ville et ses vices urbains. Mais c’est compensé par la belle écriture et le réalisme poignant, tantôt pathétique, tantôt burlesque, tantôt émouvant.

Ce bouquin m’a tout simplement donné envie d’en lire d’autres.

L’énigme du retour

8 décembre 2010

de Dany Laferrière

Un livre audio lu par Dany Laferrière, chez Audiolib

« La nouvelle coupe la nuit en deux.
L’appel téléphonique fatal
Que tout homme d’âge mûr
Reçoit un jour
Mon père vient de mourir. »

Le narrateur décide alors de revenir dans son pays natal, Haïti, dont il avait été exilé par le dictateur du moment. Et le voilà sur les traces de son passé, de ses origines. Un périple doux et grave, rêveur et plein de charme, qui lui fera voir la misère, la faim, la violence mais aussi les artistes, les jeunes filles… L’espoir, peut-être.

Nul mieux que Dany Laferrière lui-même ne pouvait exalter la poésie à la fois luxuriante et intime de ce superbe roman.

 

Je me lance dans le Défi des Auteurs canadiens. Je vous présente l’Enigme du retour. Ce n’est pas mon premier roman canadien mais j’avais envie de commencer le défi par ce livre à la fois canadien, québécois et haïtien pour coller à l’actualité. Ma modeste contribution en somme, ma petite solidarité à moi.

J’ai adoré ce roman à la limite de l’essai philosophique. Un voyage à la découverte d’Haïti, vivant, coloré, chaud, et une introspection intense, intime, une réflexion sur l’exil et le retour, un thème omniprésent dans cette société canadienne composée d’immigrants plus ou moins de passage.

J’ai trouvé l’écriture de Dany Laferrière intéressante et hors du commun avec une succession de styles différents. Tantôt des passages brefs, saccadés avec des phrases courtes, parfois même sans verbe, tantôt de longs récits et des descriptions avec de longues phrases. Cela donne beaucoup de rythme et de profondeur au livre. On ressent les bruits, les odeurs et les couleurs tout comme la douleur de la séparation, de l’absence du père, le courage et la souffrance de la mère.

J’ai opté pour le livre lu par l’auteur. La voix chaude de Dany Laferrière vous plonge dans la chaleur des Caraïbes. Vous êtes vraiment dans sa peau, dans sa tête. C’est un livre qui fait à la fois voyager et réfléchir. C’est beau, c’est poétique, c’est vivant et touchant. A vos écouteurs !